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mercredi 12 mai 2010

La domination adulte

Ce texte a également été publié sur le site Les mots sont importants.

Une domination cachée

Une domination sociale n’est jamais aussi efficace que lorsqu’elle nous apparaît comme «naturelle» et demeure en grande partie invisible. Les multiples rapports de domination qui structurent notre vie sociale sont visibles à des degrés divers : certains sont connus et reconnus (la domination masculine par exemple), d’autres ont été mis en évidence mais restent en partie cachés (on pourra citer la domination culturelle et symbolique). On sait aussi que mettre au jour un rapport de domination ne suffit en rien à le faire disparaître, mais c’est pourtant une étape nécessaire : il faut prendre conscience de quelque chose pour pouvoir commencer à lutter contre.

Or il existe au moins un type de domination qui reste aujourd’hui presque totalement invisible, que nous côtoyons pourtant tous les jours, et pour lequel nous avons tous été à la fois dominé et dominant : il s’agit de la domination exercée par les adultes sur les enfants.

Énoncer qu’il existe un rapport de domination des adultes sur les enfants peut sembler à la fois une évidence et une absurdité : une évidence, car on ne saurait nier que la position d’adulte confère globalement une position d’autorité sur celle d’enfant ; une absurdité, car cette position nous apparaît comme normale, naturelle et même positive. Elle s’appuie de plus sur des caractéristiques «objectives» : les enfants sont objectivement «dépendants», «fragiles», ce sont des «êtres en cours de formation» qu’il convient donc de «protéger», «d’éduquer», «d’encadrer», etc.

Il existe pourtant des signes clairs qui permettent de montrer que ce rapport adulte/enfant est bien un rapport de domination, qui plus est particulièrement violent.

Le statut inférieur accordé aux enfants est d’abord présent dans la manière de les nommer. L’enfant, étymologiquement, est celui «qui ne parle pas». Il appartient au monde des «petits». Jusqu’à l’âge de sa majorité, il est considéré comme un être «mineur». Par ailleurs, la plupart des appellations utilisées pour le désigner sont de l’ordre du péjoratif : gosse, gamin, morveux, chiard… Et celles-ci sont souvent considérées comme des insultes quand elles sont appliquées à des adolescents ou des adultes («bébé», «gamin», «ne fais pas l’enfant», etc.) [1].

Objectivement, l’enfant est évidemment dans une situation de dépendance quasi totale vis-à-vis des adultes, et en particulier de ses parents : pas de ressources propres, pas d’indépendance possible, pas de droit de regard sur les décisions le concernant, y compris jusqu’à un âge avancé. Une fois scolarisé il est soumis à des horaires et à une charge de travail très importants, comparables à ceux endurés par beaucoup d’adultes dans leur vie professionnelle. En-dehors de l’école il n’est jamais totalement maître de son temps et de ses activités car c’est en général toujours l’organisation et la volonté des adultes qui l’emportent («on doit partir, tu joueras plus tard»).

Typique de nombre de relations de domination, cette dépendance est d’ailleurs totalement «renversée» dans certains discours : on parle ainsi «d’enfant-roi» ou «d’enfant-tyran», tout comme on insinue parfois que les chômeurs sont des privilégiés ou que les immigrés sont coupables de racisme anti-français.

Une vision profondément négative de l’enfant

Les enfants bénéficient parfois d’une valorisation sur des aspects secondaires et limités, en général basée sur des attributs physiques ou des comportements conformes aux attentes : on les jugera «mignons», «adorables», «gentils», «polis», «bien élevés». Mais ces valorisations temporaires masquent en réalité une vision extraordinairement négative de l’enfant, et ce dès sa naissance. Dans la plupart des discours (médicaux, éducatifs, psychologiques), l’enfant est considéré comme un être qui va «chercher la faille», «tester les limites», et qui, si on ne lui impose pas un cadre contraignant, va «en profiter», accumulera les bêtises et les comportements égoïstes. Héritage d’une tradition judéo-chrétienne et psychanalytique [2], cette vision fait croire à un enfant porteur de «vices» ou de «pulsions», qu’il va falloir redresser et corriger par le biais d’une éducation rigoureuse. Ainsi, dès les premiers instants, le bébé qui pleure sera accusé de «comédie» et de tentative de manipulation auxquelles il ne faut pas céder, sous peine d’être par la suite totalement débordé et, à la limite, transformé en esclave de son propre enfant.

On trouverait sans doute là de nombreux parallèles avec d’autres formes de domination : on pourra citer les femmes, souvent réduites à leurs attributs physiques, et dont l’image reste souvent très négative (historiquement comme sources de péchés ou de tentations, aujourd’hui encore comme susceptibles de séduction, de manipulation ou de «bêtises» comme des dépenses excessives et futiles, etc.) ou les classes populaires, parfois valorisées pour divers attributs secondaires (le franc-parler, la convivialité, la force de travail…) mais fondamentalement extrêmement stigmatisées et implicitement soupçonnées de propension à la violence ou au racisme [3]. Une domination a en effet toutes les chances de paraître légitime si elle fait passer le groupe dominé comme potentiellement «dangereux».

La position dominée des enfants s’exprime aussi à travers la non prise en compte, voire la négation de leur parole et des besoins qu’ils peuvent exprimer. Bien souvent ces besoins ou envies sont considérés comme des «caprices», donc comme des demandes qui n’ont pas de valeurs en elles-mêmes. Un enfant qui a très envie d’une console de jeux se verra souvent accusé de «caprice». Un adulte souhaitant acheter un /iPhone/, beaucoup moins (encore que cette probabilité augmentera fortement s’il s’agit d’une femme).

Cette notion centrale de «caprice» commence d’ailleurs très tôt, y compris pour l’expression de besoins extrêmement fondamentaux (la faim, le besoin de contact ou d’attention) par les nouveaux-nés. Et elle concerne également la négation du chagrin ou de la douleur : la plupart du temps, lorsqu’un enfant tombe et se fait mal, les premiers mots prononcés sont «ce n’est rien, ne pleure pas». On se souviendra d’ailleurs que jusqu’à récemment les bébés étaient opérés sans anesthésie.

Enfin, la domination adulte s’exprime le plus brutalement par la maltraitance dont les enfants sont souvent les objets. Au delà des cas extrêmes (les victimes de viols ou de meurtres «passionnels» liés à des séparations sont presque exclusivement des femmes ou des enfants), les enfants demeurent le seul groupe social qu’on a légalement le droit de frapper [4]. On accepte encore aujourd’hui que les enfants soient battus, pour leur bien, comme on acceptait hier que les femmes soient battues, pour les mêmes raisons.

Et cela sans parler des violences psychologiques : insultes, cris, punitions, humiliations, qui sont monnaie courante à des degrés divers et le plus souvent parfaitement tolérées.

Une domination centrale

Tenter de faire apparaître la relation adulte/enfant comme un rapport de domination comporte une double difficulté : chaque argument peut apparaître soit comme une évidence, soit être immédiatement réfuté, y compris par soi-même, par l’idée que cet état de fait est peut-être regrettable ou excessif, mais qu’il est nécessaire, sous peine de conséquences négatives.

L’autre difficulté est qu’en tant qu’adulte, et encore plus en tant que parents, nous devons prendre conscience de cette domination en étant nous-mêmes dominants. Ceci passe alors par une remise en cause personnelle et un travail permanent pour ne pas se laisser aller à ce qu’on ferait souvent naturellement : se comporter avec ses enfants d’une manière qu’on n’accepterait pas de la part d’un homme envers une femme ou d’un patron envers ses employés.

Pourtant cette domination est une question particulièrement cruciale : nous l’avons tous vécue en tant que dominés étant enfants. Nous avons tous subis nombre de violences plus ou moins grandes, nous les avons acceptées et elles nous apparaissent bien souvent, en tant qu’adulte, comme nécessaires et positives. Or cette expérience et cette acceptation de la domination jouent certainement un rôle dans sa reproduction plus tard en tant qu’adulte, mais aussi dans son application à d’autres contextes et vis-à-vis d’autres groupes sociaux.

Sur le plan politique, enfin, tout ou presque reste à faire. En effet, à la différence d’autres types de dominations qui, à défaut d’être réellement combattues, ont au moins acquis une certaine visibilité (domination masculine, domination de classe, domination hétérosexuelle…), la domination adulte et la place des enfants sont des thématiques totalement absentes du champ politique. Les enfants ne sont présents, y compris dans les programmes de gauche, que par le prisme de l’école, de la santé ou des modes de garde. Avec une difficulté supplémentaire : si le plus souvent les dominés peuvent mener eux-mêmes le combat contre leur domination, dans le cas des enfants c’est presque impossible…

Au-delà des luttes pour les «droits de l’enfant» ou la «protection de l’enfance», qui visent en général à s’attaquer aux violences les plus flagrantes, un véritable travail de mise à jour et de construction politique est donc nécessaire si on souhaite aboutir progressivement à la fin des violences et à une égalité de considération et de traitement entre adultes et enfants.

Notes

[1] Pour une analyse plus détaillée on pourra se reporter au texte L’enfance comme catégorie sociale dominée.

[2] Pour analyse historique détaillée de la genèse de cette conception négative de l’enfant, voir l’ouvrage d’Olivier Maurel, Oui, la nature humaine est bonne !, Robert Laffont, 2009.

[3] Cf. la désormais célèbre citation de Nicolas Baverez : «Pour les couches les plus modestes, le temps libre, c’est l’alcoolisme, le développement de la violence, la délinquance».

[4] Sur la question de la violence physique sur les enfants et de son interdiction, voir le travail de l’Observatoire de la violence éducative ordinaire.

lundi 26 avril 2010

Traduction française de l'Appel pour une Internationale socialiste participative

Mise à jour 08/09/2010 : la traduction française, avec quelques corrections suite à des relectures par rapport à la version présentée ici, est désormais en ligne sur la page officielle de l’appel.

Peut-être n’avez-vous pas entendu parler de l’appel pour une Internationale socialiste participative, initiative lancée par le site Z Communications. ZCom et ses dérivés (ZNet, ZMag, ZSpace…) est un site assez étroitement lié à des mouvements libertaires nord-américains dans la mouvance de Noam Chomsky ou de Michael Albert (l’auteur du très intéressant Après le capitalisme.

Le but de l’appel est d’initier une réflexion et éventuellement un mouvement pour la constitution d’une nouvelle Internationale dont l’objectif serait d’aider à coordonner au niveau mondial des organisations, associations, projets partageant un certain nombre de valeurs et d’objectifs, en gros la lutte contre toutes les formes non fondées de pouvoir ou de domination (ce qui comprend les dominations liées à la classe sociale, au genre, à l’âge, à l’orientation sexuelle, à l’origine, à la religion, etc.).

Cet appel constitue un premier pas, une manière de se compter et d’initier, peut-être un semblant de quelque chose à partir des personnes qui ont indiqué le soutenir (un peu moins de 2000 à l’heure où j’écris).

Je viens de tenter de traduire le texte en français afin de le rendre un peu plus accessible. Comme ça n’est pas forcément une tréaduction aisée, en tous cas qui pose pas mal de questions sur des subtilités sémantiques ou des notions relativement spécifique au contexte anglo-saxon, je serais très preneur de relectures et de remarques éventuelles. Donc n’hésitez pas ! :-)

Voici le texte de la traduction :

Nous, soussignés, approuvons et soutenons l’idée d’une nouvelle Internationale et préconisons que sa création comporte l’évaluation, l’approfondissement, l’amélioration et enfin la mise en oeuvre, parmi la liste de points suivants, de l’ensemble de ceux que les participants à l’Internationale auront ensemble jugé utiles et nécessaires :

1. Une nouvelle Internationale devrait en priorité s’occuper, au minimum, des questions suivantes :

  • la production économique, la consommation, et la répartition, ce qui inclut les relations entre classes sociales
  • les relations familiales, la socialisation, le travail domestique et la procréation, ce qui inclut les questions de genre, de sexualité et d’âge
  • les relations entre communautés culturelles, ce qui inclut les questions de «race», de nationalité et de religion
  • le pouvoir et la politique, ce qui inclut les questions du droit et des législations
  • les relations internationales, ce qui inclut l’entraide, les échanges, et l’immigration
  • l’écologie, ce qui inclut les relations avec notre environnement naturel et les autres espèces

La nouvelle Internationale doit aborder l’ensemble de ces questions sans en considérer certaines plus importantes que d’autres, puisque (a) elles auront toutes un effet décisif sur les caractéristiques d’une nouvelle société, (b) omettre l’une d’entre elles pourrait anéantir les efforts pour créer une nouvelle société, et (c) les groupes les plus directement concernés seraient durement exclus si les questions qui les touchent étaient considérées comme d’importance secondaire.

2. Notre vision d’un avenir socialiste participatif inclut, au minimum, les objectifs suivants :

  • la production économique, le consommation et la répartition des richesses doit aboutir à une société sans classes, ce qui inclut un accès équitable pour tous à une éducation de qualité, à la sécurité sociale, à la nourriture, à l’eau, à la santé, au logement, à un travail digne et porteur de sens, et aux outils et conditions permettant l’épanouissement personnel
  • les relations familiales, les rapports de genre et la sexualité ne doivent privilégier aucun groupe par rapport à un autre et ce quels que soient l’âge, le genre ou l’orientation sexuelle, ce qui inclut la fin de toute forme d’oppressions envers les femmes tout en garantissant l’attention nécessaire aux enfants, l’accès aux soins médicaux et aux loisirs, etc.
  • les relations entre communautés culturelles, ethniques ou religieuses doivent protéger les droits et l’identité de chacune d’entre elles tout en garantissant un respect mutuel, ce qui inclut la fin de toutes les structures racistes, ethnocentriques ou sectaires, tout en assurant simultanément la prospérité et les droits des peuples indigènes
  • la prise de décision politique, le règlement des conflits et la mise en oeuvre de projets collectifs doit donner «le pouvoir au peuple» sans qu’aucun groupe ou communauté ne soit privilégié, ce qui inclut une participation égale et la justice pour tous
  • le commerce, les communications et autres modalités d’échanges internationaux doivent aboutir à la paix et à la justice tout en éliminant tous les vestiges du colonialisme et de l’impérialisme, ce qui inclut l’annulation de la dette des pays du Sud et la reconstruction de règles et de relations internationales pour aller vers une communauté de nations équitable et juste
  • les choix écologiques doivent être non seulement viables, mais aussi prendre soin de l’environnement en accord avec nos plus hautes aspirations pour nous-mêmes et pour notre planète, ce qui inclut une réelle justice face aux évolutions climatique et une recherche de l’innovation dans le domaine de l’énergie

3. Les principes et valeurs qui guident les débats internes à l’Internationale en termes de programme et de stratégie doivent s’appuyer au minimum sur les valeurs fondamentales suivantes. Ceci implique notamment que la structure de l’organisation doit être pensée pour incarner au mieux ces valeurs dès à présent :

  • la solidarité, pour aider à la coordination, l’aide mutuelle et le succès collectif de mouvements et projets partout dans le monde
  • la diversité, pour encourager l’innovation et la créativité, respecter les différences d’opinion, et reconnaître que certaines idées minoritaires pouvant paraître déplacées ou inapplicables aujourd’hui peuvent s’avérer avant-gardistes demain
  • l’équité, pour aboutir à une répartition juste des revenus et de la richesse
  • la paix et la justice, pour garantir l’équité entre nations et des relations internationales constructives
  • une écologie viable et respectueuse, pour garantir la survie de notre espèce et améliorer les interactions avec notre milieu et les autres espèces
  • s’inspirer des concepts de «démocratie», de «pouvoir au peuple», de «démocratie participative» et d’«autogestion», pour permettre une participation et une influence équitables pour tous dans les prises de décision

4. Une Internationale doit être plus que la simple somme de ses membres, et doit rejeter l’idée d’une seule ligne de pensée qui résumerait tous les points de vue en un modèle unique. Pour cela elle doit :

  • inclure et approuver des «courants» en tant que porteurs de points de vue différents, pour éviter le sectarisme et aider au développement de l’organisation
  • établir que chaque courant doit respecter les intentions des autres courants, à partir du moment où celles-ci sont des intentions de fond (politiques et idéologiques) et n’ont pas d’autres motivations ; mener des débats de fond qui constituent un élément important du projet global
  • offrir à chaque courant les moyens de débattre ouvertement avec les autres courants pour essayer de faire émerger de nouvelles idées politiques et de nouveaux programmes
  • garantir que temps qu’un courant accepte les principes de base de l’Internationale et opère en accord avec ses règles et ses méthodes, ses positions minoritaires auront l’espace nécessaire non seulement pour s’exprimer mais aussi pour continuer à développer ses point de vue afin de prouver leur valeur ou, au contraire, de découvrir leur inadéquation

5. Les membres de la nouvelle Internationale pourront être des partis politiques, mouvements, organisations, ou même des projets, selon les règles suivantes :

  • les membres, employés et personnels de chaque organisation membre de l’Internationale deviendraient à leur tour membres de l’Internationale
  • les individus souhaitant rejoindre l’Internationale devraient obligatoirement le faire en rejoignant une des organisations membres
  • chaque organisation membre maintiendrait son propre agenda pour ses activités et l’Internationale n’aurait aucun droit de regard sur ce dernier
  • dans le même temps, chaque organisation membre serait fortement incitée à coordonner ses activités avec les normes, pratiques et agendas de l’Internationale, afin de mettre en oeuvre solidarité et autonomie
  • les organisations membres seraient de tailles variées, mais puisque les décisions de l’Internationale ne contraignent pas les organisations membres en dehors de l’agenda collectif de l’Internationale, un processus de prise de décision adéquat pourrait être le suivant : discussions et explorations approfondies ; sondages informels auprès de l’ensemble des membres pour évaluer les différentes tendances ; améliorations et nouvelles propositions pour obtenir un soutien plus large ; vote final des organisations membres.

6. Les actions et activités choisies par une nouvelle Internationale seront évidemment fonction du contexte et de la volonté des ses membres. On peut cependant citer à titre d’exemple :

  • une nouvelle Internationale pourrait appeler à des évenements internationaux et à des journées de protestation, pour soutenir des luttes menées par des organisations membres, pour aider ces organisations face à la répression, pour s’impliquer dans des débats et faire avancer compréhension et savoirs mutuels
  • de manière plus ambitieuse, une Internationale pourrait aussi s’engager, par exemple, dans une campagne internationale massive concernant l’immigration, pour mettre fin à une guerre, pour réduire la durée de travail hebdomadaire au niveau mondial, ou pour éviter une catastrophe climatique, entre autre possibilités. Elle pourrait préparer du matériel, s’impliquer dans des campagnes d’éducation et de sensibilisation, mener des actions, inciter à des boycotts, soutenir des initiatives locales, etc.
  • il appartiendrait à chaque organisation membre de décider comment elle se positionne par rapport au programme général de l’Internationale, cependant il y aurait une incitation collective forte pour que chaque organisation membre participe et contribue du mieux qu’elle peut dans des campagnes et projets collectifs. Une des raisons d’être évidentes d’une Internationale est en effet d’aider les organisations, mouvements et projets de par le monde à sortir de l’isolement en prenant part à un processus plus large abordant des thématiques multiples avec la volonté de mettre en oeuvre collectivement des actions et des efforts partagés.

vendredi 6 février 2009

Déscolarisation

Normand Baillargeon (l'auteur notamment de l'ordre moins le pouvoir, petite introduction à l'histoire et aux idées de l'anarchisme) vient de publier sur son blog un article sur l'éducation à domicile dans le contexte nord-américain. Comme c'est un sujet qui me pose pas mal questions (et qui risque de m'en poser de plus en plus), j'ai pris le temps de rédiger un commentaire du genre "tartine". Du coup, étant un gros flemmard souhaitant rentabiliser au maximum toute calorie dépensée, je le recopie ici-même, tel quel, sans même un texte d'introduction :

Merci pour ce texte très intéressant !

Le versant politique de la question me semble particulièrement délicat, et en tous cas m'interroge. Je précise cependant que je parle dans un contexte français, et que ce qui suit n'aura peut-être guère de sens dans un contexte nord-américain qui m'est totalement étranger...

On connaît notamment depuis les travaux de Bourdieu le rôle fondamental que joue l'école dans la reproduction de la hiérarchie sociale et des rapports de domination, et surtout dans leur légitimation, en faisant croire que certains mériteraient d'occuper des positions sociales "supérieures" du fait de prétendues capacités intellectuelles, alors qu'on sait que la plus grande part de la réussite scolaire provient du capital scolaire des parents et de l'adéquation "naturelle" entre l'univers familial et les attentes du système scolaire. L'école devient donc une instance de reproduction (imparfaite mais bien réelle) du capital scolaire qui légitime ensuite, au nom d'une inexistante "égalité des chances", les inégalités de considération et de rémunérations qui suivent.

Par ailleurs, de nombreux auteurs ont bien pointé le caractère particulièrement violent de l'institution scolaire. En premier lieu vis-à-vis des élèves qui réussissent le moins, et à qui l'on renvoie dès le plus jeune âge et pendant des années une image fortement négative. Mais aussi plus généralement pour l'ensemble des enfants, qui se retrouvent dans un lieu clos, très réglementé, soumis à l'arbitraire de l'enseignant et du travail qu'ils doivent effectuer, et exposés au stress d'une évaluation continue, et parfois continuellement négative.

Face à cette violence, je comprends tout à fait la volonté de sortir les enfants de cette institution et de leur épargner cette épreuve dont on peut penser qu'elle est loin de n'avoir que des effets positifs.

Un des problèmes, il me semble, est que cette démarche n'est possible que pour une petite partie de la population : en résumé, celle qui peut trouver le temps d'éduquer ses enfants, donc qui parvient d'une manière ou d'une autre à trouver des revenus suffisants par ailleurs. Et surtout celle qui dispose du capital scolaire suffisant pour pouvoir se mettre en position "d'éducateur" et se substituer au système scolaire. Car au bout du compte, du moins en France, il y a quand même un "programme" officiel à suivre, et donc des savoirs et compétences proprement scolaires à transmettre, ce qui nécessite une familiarité et une aisance vis-à-vis de ces savoirs et compétences. Au final, j'imagine qu'on retrouvera beaucoup plus d'enfants éduqués à domicile dans des familles à fort capital scolaire que dans des familles populaires.

D'autre part, si l'éducation à domicile peut permettre de contourner et de lutter contre la violence de l'institution scolaire (seulement pour ses propres enfants, mais ce n'est déjà pas rien), elle ne permet pas en elle-même de lutter contre l'aspect "reproduction sociale" de l'école : au final l'objectif du diplôme demeure forcément (il pourrait difficilement en être autrement) et la légitimation de hiérarchies sociales arbitraires également. On pourra à juste titre objecter qu'on ne peut pas demander à une démarche individuelle de remettre en cause les fondements même d'un système social, mais il me semble quand même important de ne pas perdre de vue cet aspect de l'institution scolaire.

Si on additionne ces deux "limites", on aboutit au risque, en caricaturant fortement, de voir dans l'éducation à domicile une démarche réservée à une fraction de la population scolairement privilégiée et lui permettant d'assurer la reproduction de son propre capital scolaire "entre soi" et en laissant le reste de la population, et notamment les moins favorisés, se débrouiller avec une institution scolaire jugée néfaste.

Je ne veux pas dire par là que les personnes qui déscolarisent leurs enfants le font avec cet objectif. La plupart de ceux que je connais personnellement le font avant tout dans l'intérêt de leur enfant et car ils refusent de se soumettre à l'institution scolaire. Il s'agit en ce sens d'une démarche exigeante (en temps et en énergie) et courageuse (car le plus souvent socialement assez mal vu, y compris en France dans des milieux "progressistes"). Mais il reste pour moi ce dilemme entre d'une part la volonté de sortir ses propres enfants de l'école et d'expérimenter des formes alternatives d'apprentissages et d'éducation et d'autre part le risque de donner l'impression de "jouer perso" et de s'offrir une sorte "d'école sur mesure" laissant de côté tous ceux qui n'en ont pas scolairement les moyens.

mercredi 30 avril 2008

Chine, Tibet : pas si simple

Un petit billet rapide pour signaler trois articles apportant un éclairage différent sur les récents événements au Tibet.

Les deux premiers sont des articles du blog de Jean-Luc Mélenchon :

Le dernier est un texte paru sur le blog du Monde diplomatique tenu par Martine Bulard et consacré à l'Asie :

Bonne lecture !

jeudi 20 septembre 2007

Revue de presse numérique instantanée

Etant présentement sur la page d'accueil de Google news, je ne résiste pas au plaisir de vous faire une petite revue de presse des titres affichés à l'instant même, histoire de donner une petite idée de l'air guilleret des temps qui courent.

Une

  • L'Assemblée vote le texte sur l'immigration et l'amendement ADN
  • Martin Hirsch n'est "pas favorable" aux tests ADN

France

  • Sarkozy veut "refonder" la fonction publique
  • Bruno Juillard : «Le gouvernement nous a trompé»
  • Sans-papiers: Les élèves fichés ?

Économie

  • Appel à la grève des cheminots le 17 octobre
  • France : la dette publique pourrait s'alourdir en 2007
  • Pernod Ricard: bénéfice net annuel en hausse

Et à noter aussi, dans la rubrique Culture : Nicolas Sarkozy à 20H00 jeudi sur TF1 et France 2. Ça ne s'invente pas.

lundi 27 août 2007

Une triste nouvelle pour la France...

On a beau dire, ça fait quand même un choc.

Peut-être est-ce parce que je suis lyonnais, donc davantage sensible à cette nouvelle, mais quand même, ça ne peut pas laisser indifférent.

Et oui, je l'ai appris samedi matin, en même temps qu'une France attristée et consternée : Raymond Barre n'était pas mort.

P.S. : toujours sur ce sujet, je ne résiste pas au plaisir de vous retranscrire la question d'une journaliste de France Info à un commentateur sans intérêt : Si Raymond Barre a subi un échec en 1988, d'après vous, est-ce parce qu'il était encore incompris, ou parce qu'il était trop précoce ?

mardi 22 mai 2007

Le gouvernement est en campagne, bordel !

Un petit détail semble échapper à pas mal de monde, et notamment aux grands médias, concernant la situation actuelle du nouveau gouvernement : ça n'est pas un gouvernement en action, c'est un gouvernement en campagne pour les législatives !

Alors évidemment, c'est opération séduction tous azimuts. Le gouvernement est plein de jeunes, de nouvelles têtes et de femmes. Rappelez-vous Juppé et ses juppettes en 95 : tout ça avait dégagé fissa au premier remaniement ministériel. Evidemment on met des cautions "de gauche" plus ou moins scélérates, mais ceux-ci dégageront aussi à la moindre incartade après le 17 juin. Evidemment on fait une réunion préparatoire à une autre réunion avec des ONG travaillant sur l'environnement (et on appelle ça passer à l'action), et la plupart des ONG en question resortent toutes guillerettes.

Mais bordel, y'a les législatives dans trois semaines ! Nous ne sommes pas encore sortis de la période de campagne et de promesses éhontées ! Tout ça disparaîtra rapidement dès cet été !

En attendant, le PS n'a jamais été aussi lamentable, les différents groupuscules d'extrême gauche mettent des candidats partout histoire, si jamais ils dépassaient 1% quelque part, de ramener quelques thunes à leurs organisations moribondes. Et les rares candidatures unitaires galèrent sans moyen et sans véritable dynamique derrière elles, tandis que Bové vient nous demander des sous après s'être barré avec Marie-Ségolène le lendemain du premier tour sans rien demander à personne !

Tout ça nous promet un magnifique raz-de-marée à droite début juin. Et un autre raz de marée de mesures assassines en tous genre dans la foulée.

Tiens, en prévision, l'association lyonnaise Témoins a mis en place une caisse de solidarité à l'échelle de l'agglomération pour anticiper les futures grèves et répressions policières qui iront avec.

jeudi 10 mai 2007

Même Finkielkraut lâche Sarkozy !

Difficile à croire, et pourtant, après seulement quatre jours en tant que même pas encore président, Sarkozy parvient à se faire lâcher par l'un des pseudo-intellectuels les plus à droite qui soit, à savoir ce bon vieux Finky, oui oui, celui-là même qui n'a pas contredit Jean-Claude Milner, invité de son émission sur France Culture, lorsque celui-ci a affirmé que Les héritiers de Bourdieu était un livre antisémite.

Et bien le même Finky clame aujourd'hui à propos de Nicolas Sarkozy : Pendant trois jours, il nous a fait honte.

A lire sur Le Monde :

mardi 7 novembre 2006

Le Village vertical

Le Village vertical est un projet de création d'une coopérative d'habitants sur le Grand Lyon.

L'idée est simple : se regrouper pour construire ou rénover un immeuble dont les loyers seraient peu élevés, soustraits de la spéculation immobilière, géré démocratiquement, comportant des espaces communs mutualisés (grande salle de réunion, chambre d'amis, atelier, terrasse ou jardin...) et une réelle vie de voisinage. Le projet encouragerait la mixité sociale en intégrant des logements réservés à des personnes âgées ou précaires. L'immeuble serait situé à proximité des transports en commun et la construction privilégierait autant que possible matériaux écologiques et énergies renouvelables.

Ce type de projets existe depuis de nombreuses années dans les pays scandinaves ainsi qu'aux Etats-Unis et au Canada. L'idée est de mettre en place une première réalisation à Lyon dans les années qui viennent. Une association a été créée il y a un an et un groupe actif travaille depuis à la concrétisation des différents aspects du projet (foncier, architecture, statut juridique, finances, etc.).

Si vous voulez davantage d'informations, le site web du projet vient d'être mis en ligne :

vendredi 14 avril 2006

Appel à signer pour l'amnistie des anti-CPE

L'Huma vient de sortir un appel pour la libération des personnes interpellées et inculpées au cours du mouvement anti-CPE. Il faut rappeler la manière dont les jeunes ont été arrêtés, le plus souvent violemment et dans un arbitraire quasi-total, et la justice d'abattage qui les a condamnés fréquemment à de la prison ferme de manière expéditive et sans procès équitable.

Et il faut sans cesse rappeler que les violences qui ont eu lieu sont une réponse aux violences gouvernementales (surtout) et policières (parfois) et au mépris qu'on nous a inflogé pendant de longues semaines.

L'appel se trouve là :

http://www.humanite.fr/petition/meta828136

mercredi 29 mars 2006

Après "mangez des pommes", voici "mangez des poules"...

Tout le monde se rappelle du malheureusement célèbre "mangez des pommes" lancé par Chirac lors de la campagne présidentielle de 1995. Ce célèbre slogan n'était autre que le témoin de la profondeur et de la sincérité d'un projet politique bidon articulé autour du thème de la réduction de la fracture sociale au bénéfice de pauvres dont il avait soudain oublié le bruit et l'odeur. Ce qui, accessoirement, lui avait permis d'être élu.

Et bien Ségolène Royal, l'autoproclamée pseudo-candidate centriste aux prochaines élections présidentielles, vient de tenter une grossière contrefaçon avec une légère variante qu'on pourrait résumer par "mangez des poules". En déplacement dans une foire avicole, elle a en effet exhorté la population française à "sauver la filère avicole" en consommant "deux volailles par semaine". Elle aurait même ajouté : "Henri IV faisait la poule au pot le dimanche, nous on double la mise".

Il serait cependant trop facile d'attirer l'attention sur une déclaration isolée et décontextualisée. Ségolène Royal n'en est pas à son premier coup d'éclat politique. Preuve de sa radicalité de sa pensée et de l'authenticité de son projet politique, elle avait déjà coupé le souffle à l'opposition en annonçant le 7 mars dernier que la région qu'elle préside couperait ses subventions aux entreprises employant des CPE-CNE. Oui, oui, le 7 mars 2006. Alors que les CNE existent depuis le 2 août 2005. On admire l'esprit visionnaire et dénué d'opportunisme. Mais Ségolène va plus loin encore, elle n'hésite pas à dépasser un cadre national étriqué pour aller chercher ses idées loin à l'étranger, par exemple chez Tony Blair, qui n'est autre, je vous le rappelle, que Margaret Thatcher en plus féminin.

Bref. Quel est le projet de Ségolène Royal et du PS pour les présidentielles de 2007 ? Rien. Quelles sont les alternatives qu'elle propose pour lutter contre la pauvreté, le chômage, la précarité ? Rien. Que compte-t-elle faire des 24 milliards d'euros annuels versés aux patrons en réductions de cotisations sociales et qui ne servent à rien ? Rien, justement. Compte-t-elle renationaliser France Telecom, entreprise qui autrefois, publique, gagnait de l'argent tout en employant de nombreuses personnes dans des conditions acceptables, alors qu'aujourd'hui c'est une boîte privée qui perd du fric, nous innonde de pubs et de services inutiles tout en ayant réduit ses effectifs et entraîné une dégradation énorme des conditions de travail ? Apparemment non.

Ségolène Royal n'est, au fond, qu'un reflet. Une image. Un pur artefact médiatique, monté en épingle par des médias qui passent leur temps à s'écouter les uns les autres et à chercher qui mettre en première page de leurs sacs-à-pubs. Mais derrière, il n'y a rien. Niet. Néant. Pas une idée, pas un projet.

Et voilà qu'on commence déjà à nous balancer la question du "vote utile", que quand même, "ça va pas se passer comme en 2002", que cette fois les gens ne vont pas aller se disperser au premier tour et risquer un duel Sarkozy-Le Pen au second. Ben voyons. Si le PS n'a pas de candidat au second tour, ils n'auront à s'en prendre qu'à eux-mêmes. Cinq ans qu'ils n'avaient que ça à foutre, pondre un projet, des idées, une réflexion, une concertation, bâtir quelque chose de radical et fédérateur. Cinq ans qu'ils n'ont rien fait de tout cela, préférant se faire refaire les dents comme s'ils allaient au concours du salon de l'agriculture.

Voter utile, ça n'est certainement pas voter pour rien.

mardi 21 mars 2006

Quelques réflexions sur le concept d’égalité

Ce texte se veut une participation à l’appel à contribution lancé par le collectif Les mots sont importants sur le thème Qu’est-ce que l’égalité ; il vient d'ailleurs d'être publié sur leur site. Il s’appuie sur des convictions personnelles plus que sur de nombreux auteurs ou références. Il se place dans une perspective qui n’est ni pragmatique ni réaliste mais délibérément utopique. Enfin, il repose sur deux idées principales : l’égalité est une valeur fondamentale et un principe directeur de l’action humaine ; elle n’a de sens réel que si elle se concrétise par une égalité de fait.

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